12 décembre 2017

piccola orchestra artigianale Valdapozzo/ Günter Christmann & Alberto Braida/ The Remote Viewers/Will Connor & Anton Mobin/RhrodriDavies David Sylvian & Mark Wastell/Chris Cundy & Benedict Taylor

piccola orchestra artigianale degli improvvisatori di valdapozzo .
stella*nera  dethector spm ivan illich
non in vendita / offerta libera e responsabile
Voici un très beau livret écrit en bon italien qui relate un croisement d’initiatives dans la « cascina » di Valdapozzo , une sorte de ferme artistique utopique située dans les collines de Monferrato à proximité  d’Alessandria, une ville de la plaine du Pô. Jointes au livret co-produit par les structures stella*nera, dethector et SPM Ivan Illich, un CD d’enregistrements de conduites collectives de La piccola orchestra artigianale degli improvvisatori di valdapozzo. Cet orchestre à la fois cohérent et hybride produit une musique collective remarquable par ses jeux d’ensemble, sa diversité sonore, le développement des idées et des propositions avec la participation  de deux musiciens de haut-vol, le pianiste compositeur Nicolà Guazzaloca et le clarinettiste Luca Serrapiglio qui ont rédigé deux textes de présentation/ historique du projet et une brochette d’activistes talentueux comme Claudio Lugo ou Sofia Erika Sollo et des musiciens qui se définissent comme « artisanaux ». La pratique de cet orchestre est orientée vers la coopération spontanée de musiciens/ nnes de niveaux différents dans une tentative très réussie d’inclusivité. Serrapiglio et Guazzaloca font profiter du travail intense au sein de leurs ateliers / laboratoires respectifs, au sein du Conservatoire A Vivaldi d’Alessandria et à la Scuola Popolare di Musica Ivan Illich de Bologne. Plusieurs des musiciens présents proviennent de ces laboratoires musicaux au sein des quels ils ont travaillé intensivement. Il est évident que la musique enregistrée est remarquablement jouée d’un point de vue collectif et du sens profond des choses et partagée durant dix sections qui totalisent 61:15. Lisibilité, audace formelle et sonore, cohérence, émotion, alternance de passages délicats et de moments emportés, esprit ludique, qualité de l’écoute et auto-discipline. Une véritable démocratie participative en musique. Certains des musiciens jouent des percussions diversifiées, du saxophone, violon, violoncelle, claviers, piano, voix, une embouchure. Chaque participant a publié un petit témoignage inclus dans le livret sans qu’on sache qui joue quoi.  Mais peu importe, ce qui compte c’est la musique et celle-ci est valable et témoigne de l’engagement des musiciens dans le processus créatif.

Alberto Braida & Günter Christmann in time edition explico 16


Enregistrement de 2010 que j’avais acquis bien tard et cité dans une chronique consacrée aux albums Vario 41 et Vario 44 et In Time sans détailler les merveilles de ce dernier. Donc voilà ! Publié à 120 copies en 2011, on peut espérer que cet In Time  est encore disponible parce que cela vaut vraiment la peine. 14 pièces en duo entre 6:12 maximum jusqu’à 2:32 pour la pièce la plus courte et généralement dans les trois ou quatre minutes. Pochette illustrée collage évoquant les panneaux de bandes fléchées noires et blanches des autoroutes … Dites-vous que chaque CD’r est une œuvre en soi et numéroté : les pochettes varient d’un numéro à l’autre.  La forme de la musique est concentrée et fourmille de détails, car les deux improvisateurs font mouvoir les paramètres de jeu, le toucher des instruments, la dynamique, la vitesse d’exécution, avec accélérations, ralentandos, …. Le pianiste attaque le clavier et les cordes de manière faussement brutale,  pinçant simultanément les cordes en actionnant les touches. Entre chaque doigté, de brefs espaces de silence où viennent éclore une exquise bulle de souffle irréelle au-delà de la limite « normale » du trombone. Günter Christmann a mis au point un jeu extrême immédiatement reconnaissable, fait de bruissements, de suraigus qui glissent d’une note à l’autre avec une grâce infinie, de vocalisations irréelles. Au violoncelle, on sent bien qu’il fut un funambule de la contrebasse, comme on peut l’entendre dans ses albums des années septante (Solomüziken for Trombone und Kontrabass C/S records/Ring Rds et Topic, Hi-FI Thelen/Moers Music). Le style d’Alberto Braida défie le bon goût du piano contemporain post-classique ou surtout jazz d’avant-garde. C’est un album qui personnifie au mieux l’improvisation libre. Il y a la fantaisie et une profonde créativité ludique dans l’instant. Les musiciens n’hésitent pas à couper leurs élans pour poser des questions, chercher, raturer, approfondir, changer d’humeur, jouer avec les couleurs, les timbres et surprendre. Le titre In time signifie tout simplement que le travail sur le temps, le tempo, le fait de jouer à la fraction de seconde près est la préoccupation de tous les instants car le jeu du musicien doit coïncider avec les occurrences sonores, le relief etc… de son partenaire. Tout praticien de l’improvisation libre (radical) se doit d’écouter Günter Christmann. Il y a quelque chose qui apparaît dans sa musique qui est trop souvent absente ailleurs. Par exemple : le « Noodling », mot qui veut dire jeu continuel et linéaire à rallonges, est proscrit ici. En écoutant ceci, on se demande si certains collègues (voire, même, nombre d’entre eux)  comprennent le sens du vocable « musique improvisée libre » et son implication dans la pratique musicale. Christmann et Braida ont un malin plaisir à brouiller toutes les pistes dans une série de quatorze miniatures où la notion du temps "qui dure"  , s’évade et disparaît dans une abondance kaléidoscopique de sonorités sublimées par un sens inouï de l’épure. Alliage peu commun de l’expressionnisme (retenu) et de l’introversion. Sachant que GC est un adepte de l’action painting, on peut dire que chacune des 14 improvisations semblent être un tableau où les sons sont concentrés et disposés dans la durée comme les couleurs, les traits, les textures sur le canevas. Fantastique !

The Last Man in Europe  The Remote Viewers David Petts John Edwards Adrian Northover RV 15  http://www.theremoteviewers.com 

Un groupe singulier, énigmatique, ici réduit à sa plus simple expression : le compositeur et saxophoniste David Petts, son comparse de toujours Adrian Northover au sax soprano confronté au ténor de son camarade , … et le contrebassiste John Edwards, au son puissant, racé et sombre. La musique est faite de thèmes anguleux, faussement répétitifs autour d’intervalles dissonnants qui ont celle couleur, cette marque indélébile « Remote Viewers». Le titre « The Last Man in Europe » fait référence au livre  « 1984 » de George Orwell. Pas vraiment jazz, la musique même si la référence est incontournable. Ce qui compte avant tout c’est le timing particulier avec un décalage, un soubresaut/retard infime qui rend cette musique bancale,  en déséquilibre permanent, déséquilibre qui se rattrape par de brèves incartades free mesurées au cordeau. Les souffleurs soufflent leurs riffs à deux notes à côté de la pulsation prévisible, jouée par la basse. Parfois on pense au Roscoe Mitchell d’avant-garde de l’époque Noonah. La contrebasse vibrante avec un cœur gros comme çà inspire les deux saxophonistes. Rien que pour la prestation extraordinaire de vie et de simplicité de John Edwards à la contrebasse, on garderait cet album dans l’étagère des curiosités indispensables. D’ailleurs , à l’écoute de John dans le groupe, on pense immédiatement au fabuleux bassiste Malachi Favors de l’Art Ensemble période parisienne. Il y a quelques pièces entièrement libres, dont une au bord du silence où David agite les clés de son ténor et en martelle le cuivre du revers de ses ongles. Leur savoir-faire insuffle un élément ludique qui réjouit complètement et endiable le sérieux de leurs cadences improbables. Si les Remote Viewers ont un style très personnel absolument unique en son genre, leurs enregistrements révèlent des moments imprévisibles.  Une musique cubiste et poétique pour lutter contre l’ennui. Sans doute l’album-clé qui vous permettra de pénétrer  plus avant dans le territoire secret  de ce groupe pas comme les autres. Au fil des enregistrements précédents (November Sky 2015 – RV13 ou Nerve Cure 2011 RV9), on avait croisé, au côté du présent trio, les saxophonistes Caroline Kraabel, Sue Lynch, le batteur Mark Sanders et la pianiste Rosa Lynch-Northover. En trio, le diamant s’aiguise et la musique sublime définitivement le concept.

Will Connor & Anton Mobin Four Days for Today will be Your Lucky Day . AABA 05 middle eight recordings
Will Connor joue des percussions principalement frottées, secouées, grattées, vibrées, assourdies et les sons de l’espèce de sanza cosmique proviennent de la prepared chamber d’Anton Mobin, un des plus curieux et inclassables artistes sonores de l’Hexagone. Cette Prepared Chamber consiste en une boîte en bois dans laquelle sont fichées des objets, tiges, ressorts, membranes, fils de fer, mécanismes etc… lesquels sont amplifiés par des microcontacts bien placés et subtilement amplifiés. Cela produit des sons très intéressants avec une belle dynamique qui échappe à la logique et aux registres des instruments de musique, même quand ils sont traités « alternativement ».  Ses Prepared Chambers sont réalisées avec le plus grand soin et sont en fait de véritables œuvres d’art. Il donne aussi des workshops et des animations scolaires sur la construction et la création de tels instruments. Son travail découle de celui du génial Hugh Davies, aujourd’hui disparu et ancien compagnon de route de Derek Bailey et Evan Parker. Anton Mobin qui semble faire partie du mouvement des musiques improvisées et a un talent unique, trouve des collaborateurs et des résidences à l’étranger. On écoute cet album avec intérêt, Will Connor créant une atmosphère percussive diversifiée autour des sons de Mobin. Le duo fonctionnant bien (Nothing) en s’adaptant parfaitement à la situation. Mobin travaille aussi avec l’excellent violoniste alto Benedict Taylor, le saxophoniste JJ Duerinckx, Riipus etc... Il est grand temps qu’on lui permette de jouer avec ces créateurs et aussi avec d’autres qui lui apporteraient le jeu et l’univers idéal pour bonifier sa démarche et mettre ses étonnantes inventions dans une perspective insoupçonnée. 
Ci-dessous des photos de chambres préparées.



















Rhodri Davies / David Sylvian / Mark Wastell There is No Love. Confront Core Series / Core 01
Rhodri Davies : lap harp, table harp, vibraphone, radio
David Sylvian : voice, vocal treatments, electronics
Mark Wastell : tam tam, cracked ride cymbal, chimes, indian temple bells, singing bowls, metal chain, tubular bell, concert bass drum.
Textes de Bernard Marie Koltès dits de manière intimiste par David Sylvian, le chanteur et compositeur du groupe new wave Japan, connu pour sa collaboration avec Derek Bailey.
Je n’ai pu m’empêcher de reproduire ici les crédits indiqués de la pochette pour que vous puissiez imaginer le sujet et l’objet de l’enregistrement.
There is No Love inaugure la nouvelle série Core de l’ambitieux et attachant label de Mark Wastell, sans doute un des plus incontournables de ces dernières années pour ceux qui veulent suivre le cheminement de la scène improvisée britannique et internationale. En gros, cet enregistrement du texte There is No Love est sonorisé et mis en perspective par Mark Wastell et ses percussions métalliques avec la collaboration de Rhodri Davies. Vraiment intéressant pour ceux qui s’intéressent la démarche Ambient et aux spoken word. Mark Wastell se révèle un percussionniste « métallique » sensible et un metteur en sons de grande qualité usant de ces instruments par touches discrètes et aériennes. Les sons électroniques de Sylvian sont de belle facture. Je devrais avoir le texte en main et le lire à mon aise pour rentrer encore plus à fond dans cette création, car ma compréhension de la langue n’est pas instantanée. Une belle réalisation.

Chris Cundy and Benedict Taylor Hidden Bomba LOR091

Voici une collaboration qui coule de source : clarinette basse (Chris Cundy) et violon alto (Benedict Taylor) enregistrés dans la Francis Close Hall Chapel à l’Université de Gloucestershire. Le label, Linear Obsessional Recordings est dirigé par Richard Sanderson, un excellent créateur sonore et improvisateur britannique. On connaît ma prédilection pour l’alto ou viola en anglais, l’instrument a un registre de fréquences et une épaisseur plus riches que le violon à mon goût. Si vous n’êtes pas convaincu, recherchez le travail de Mat Maneri, Charlotte Hug, Szilard Mezei, Ernesto Rodrigues par exemple, et maintenant, Benedict Taylor, via leurs enregistrements et vous allez être servis. C’est un signe indéniable de l’importance de l’instrument et de sa spécificité toute particulière. Et donc, Benedict Taylor a acquis un style charnu et dynamique plein de glissandi microtonaux élancés et bruissants. Le clarinettiste basse Chris Cundy, un pilier de la scène régionale british, joue avec la dynamique et l’intelligence requises pour dialoguer et complémenter le travail du cordiste. Un travail épuré et stylé qui encadre son lyrisme. Une conversation éclairée utilisant les ressources sonores et instrumentales des deux instruments de manière égalitaire et entièrement partagée. Les huit morceaux se succèdent et ne se ressemblent pas, si ce n’est que Chris Cundy affectionne un agrément, une coloration qui devient récurrente au fil de l’album, comme s’il avait une idée derrière la tête. Attentif au début de la session, l’imaginatif Benedict Taylor apporte des éléments subtilement disruptifs dans le déroulement des opérations. C’est assurément un excellent album dans la lignée de l’improvisation libre dans une dimension lyrique, expressive, raffinée, sans trop d’audaces soniques appuyées, mais pleine de de sensibilité. Il faut attendre le sixième morceau Agressive Silver Lines pour pénétrer dans un domaine de recherche plus aigu et singulier. L’enregistrement et la musique sont conditionnés par le lieu, une chapelle, qui tient vraiment au cœur du clarinettiste. Bravo à ces deux improvisateurs.

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